Est-ce une vérité de foi ?
Oui, le Seigneur nous révèle cette dimension de notre être de baptisé dans la Ste Ecriture : nous sommes des rois et des reines dans le Christ Jésus. C’est en tant membre de l’Eglise qui est le Corps du Christ que nous participons à la dignité royale du Christ.
« Vous, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière, vous qui jadis n'étiez pas un peuple et qui êtes maintenant le Peuple de Dieu, qui n'obteniez pas miséricorde et qui maintenant avez obtenu miséricorde » (1 P 2, 9-10). « Il a fait de nous une Royauté de Prêtres, pour son Dieu et Père » Ap 1,6. «Ils chantaient un cantique nouveau : "Tu es digne de prendre le livre et d'en ouvrir les sceaux, car tu fus égorgé et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute race, langue, peuple et nation; tu as fait d'eux pour notre Dieu une Royauté de prêtres régnant sur la terre" Ap 5, 9-10. Nous voyons bien d’après ces citations que cette royauté qui est la nôtre est liée à notre dignité de prêtre (sacerdoce commun des fidèles), participation à l’unique sacerdoce du Christ.
Etre roi et rien dans le Christ, qu’est-ce que cela signifie ?
Le Concile Vatican II aborde cette question au n° 36 de sa constitution sur l’Eglise (Lumen gentium). Il souligne que cette royauté établit les baptisés dans « la liberté royale, pour qu'ils arrachent au péché son empire en eux-mêmes par leur abnégation et la sainteté de leur vie (cf. Rm 6,12), bien mieux, pour que servant le Christ également dans les autres, ils puissent, dans l'humilité et la patience, conduire leurs frères jusqu'au Roi dont les serviteurs sont eux-mêmes des rois ».
Nous retrouvons ici le thème classique mais aussi fondamental du service : servir c’est régner. Nous comprenons aussi que notre royauté s’exerce par rapport au péché : nous sommes affranchis du péché dans le Christ et par le Christ, et nous sommes vraiment libres. Notre liberté est notre royauté. Nous ne sommes plus asservis au péché dit St Paul. L’homme est roi et seigneur non seulement des réalités créées ici-bas, mais aussi et avant tout de lui-même.
Le vénérable Jean-Paul II écrivait dans Christifideles Laïci n° 14 : les fidèles laïcs « vivent la royauté chrétienne tout d'abord par le combat spirituel qu'ils mènent pour détruire en eux le règne du péché (cf. Rm 6,12) et ensuite par le don d'eux-mêmes pour servir, dans la charité et dans la justice, Jésus Lui-même, présent en tous ses frères, surtout dans les plus petits (cf. Mt 25,40) ». Comment ici ne pas penser au service que les laïcs sont appelés à rendre pour défendre la vie ? Que de bien accompli par ces femmes qui se mettent à l’écoute d’autres femmes en détresse parce qu’enceintes, abandonnées par leur « époux », par leur famille ! Il y a là un service royal à rendre de première importance aujourd’hui. C’est une certitude.
Quelles seront les incidences pratiques de notre royauté sur notre vie ?
« Le Seigneur désire étendre son règne également par les fidèles laïcs , son règne qui est règne de vérité et de vie, règne de sainteté et de grâce, règne de justice, d'amour et de paix, règne où la création elle-même sera affranchie de l'esclavage de la corruption pour connaître la liberté glorieuse des fils de Dieu (cf. Rm 8,21). Grande vraiment est la promesse, grand le commandement donné aux disciples: "Tout est à vous, mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu" (1Co 3,23) » LG 36.
Ainsi, ma dignité royale m’engage à servir mon prochain et à vouloir étendre la royauté du Christ pour le salut de nos frères.
Le Concile reprend le thème traditionnel de la royauté sociale du Christ. Il souligne que le laïc ne peut pas vivre dans une certaine schizophrénie : être chrétien en privé, chez soi, mais pas dans la société. Je cite le Concile : « Que les laïcs, en outre, unissant leurs forces, apportent aux institutions et aux conditions de vie dans le monde, quand elles provoquent au péché, les assainissements convenables, pour qu'elles deviennent toutes conformes aux règles de la justice et favorisent l'exercice des vertus au lieu d'y faire obstacle. En agissant ainsi, ils imprégneront de valeur morale la culture et les œuvres humaines. Par là tout à la fois, le champ du monde se trouve mieux préparé pour accueillir la semence de la parole de Dieu, et les portes de l'Eglise s'ouvrent plus larges pour permettre au message de paix d'entrer dans le monde » (…) « la conscience chrétienne doit être leur guide en tous domaines temporels, car aucune activité humaine, fût-elle d'ordre temporel, ne peut être soustraite à l'empire de Dieu. Aux temps où nous sommes, il est extrêmement nécessaire que, dans la façon d'agir des fidèles, brillent à la fois très clairement et cette distinction [entre temporal et spirituel] et cette harmonie, pour que la mission de l'Eglise puisse répondre pleinement aux conditions particulières du monde d'aujourd'hui. De même, en effet, qu'il faut reconnaître à la cité terrestre légitimement appliquée aux soucis du siècle, le droit d'être régie par ses propres principes, de même, c'est à juste titre qu'est rejetée la doctrine néfaste qui prétend construire la société sans aucune considération pour la religion, s'attaque à la liberté religieuse des citoyens et l'élimine [laïcisme] » LG 36.
Conclusion
Nous voici arrivés au bout de cette petite méditation sur notre triple dignité baptismale de prêtre, de prophète et de roi. Avec la grâce de Dieu, essayons de ne pas l’oublier mais au contraire d’en avoir toujours conscience et d’en vivre concrètement : que notre vie toute entière soit unie au sacrifice du Christ, que toute notre vie et nos paroles rendent témoignage au Christ, que nos actions étendent le règne du Christ dans notre monde. Abbé Laurent Spriet