Il faut partir pour la messe de minuit.
Les braises, images de l’année liturgique qui s’achève, sont recouvertes de cendres. Au retour, dégagées de nouveau, elles jetteront très vite la haute flamme de l’année qui commence.
Recherche des lanternes ! Doigts qui se brûlent aux bougies ! Recul frissonnant de la nuit ! Enveloppement frileux dans les manteaux et les pèlerines ! (...)
Là-bas, le porche éclairé de l’église transperce la nuit, et la course dans les sentiers devient une marche à l’Etoile. La messe de minuit commence. Le mystère, deux fois millénaire, une fois encore se commémore.
Mieux que dans la magnificence des cathédrales, le mystère de l’abaissement Divin se conçoit dans la rusticité d’une église de campagne. On pénètre mieux la profondeur mystique, au son des vieux Noëls patinés par cinq siècles de Foi. On en goûte plus intensément la saveur parmi les paysans debouts, appuyés des deux mains sur leur bâton, parmi les vieilles paysannes en jupe noire et mouchoir de tête, devant l’autel où le prêtre officie au milieu d’une ribambelle d’enfants de choeur se disputant âprement à qui, en fin de compte, aura le missel où la sonnette, ou saluant de l’épée, avec leur cierge, dans un grand envol de gouttes de cire sur les tapis, lorsque le bon curé a le dos tourné.
Cependant qu’un harmonium enroué déverse, sur la foule qui se retire, les flots d’une harmonie contestable.
Il a neigé pendant la messe. La campagne à l’entour s’emmitoufle de blancheur. Le ciel clouté d’étoiles diffuse une clarté caressante.
Lanternes éteintes, chacun s’en retourne dans le calme blanc de la neige. Nul rire, nulle parole ne rompt l’harmonie de l’heure profonde, car Dieu est encore en chacun.
Noël, clef de voûte des fastes historiques. Fête qu’il faut passer au creux d’un vieux logis, loin des rumeurs de la ville, selon le rite inchangé des traditions. Noël par quoi bien souvent se comptent les années. Noël périgourdin que j’ai voulu dire, en la splendeur de sa simplicité, parce qu’il est la pierre angulaire des fêtes de famille, l’axe-type autour duquel s’enroule et se ploie mille fois sans se rompre, le fil ténu des souvenirs.
O mon beau Noël en Périgord. Guy de Larigaudie, Etoile au grand large.