Accomplir la volonté de Dieu n’est pas chose aisée ! Bien souvent nous en faisons l’expérience, quand une contrariété, une épreuve, un choix se présente à nous. Viennent alors toujours ces questions lancinantes : « Est-ce vraiment ce que Dieu demande ? », « Dieu en demande-t-il autant ? », « Accepter cela, c’est possible quand on est saint ; dans mon état, ce serait folie », « Mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour que Dieu me refuse de… ou m’impose de… ? »
Les scènes évangéliques montrent saint Pierre aux prises avec des difficultés similaires et font connaître les desseins de Dieu. Pour qui veut bien scruter ces passages, il y a là un véritable « itinéraire de conversion », un apprentissage pour devenir disciple de Jésus, pas seulement en paroles mais en action.
Jésus n’a pas toujours demandé des choses simples à ses apôtres. A la Pêche miraculeuse (Lc 5, 1-11), il ordonne à Simon-Pierre : « Avance en eau profonde, et lâchez vos filets pour la pêche ». Et Pierre de répondre avec confiance : « Maître, nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre, mais sur ta parole je vais lâcher les filets ». Cet abandon lui vaut de devenir capable de « laisser tout » et de « suivre aussitôt Jésus ».
Mais Pierre a aussi connu les doutes difficiles à surmonter. Voyez quand Jésus marche sur les eaux (Mt 14, 22-33). Il s’adresse aux disciples : « Ayez confiance, c’est moi, soyez sans crainte ». Pierre répond : « Seigneur, si c’est bien toi, donne-moi l’ordre de venir à toi sur les eaux - Viens », dit Jésus. Et Pierre, descendant de la barque, se met à marcher sur les eaux. Mais, voyant le vent, il prend peur et, commençant à couler, il s’écrie : « Seigneur, sauve-moi ! » Aussitôt Jésus tend la main, le saisit et lui fait ce reproche : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »
Il y a bien sûr les heures où l’on est heureux de s’abandonner sans réserve à Jésus. Après le Discours sur le Pain de vie (Jn 6, 60…69), alors que bien des disciples se retirent en protestant : « Elle est dure, cette parole ! Qui peut l’écouter ? », Jésus demande aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Et Simon-Pierre proteste avec une magnifique générosité : « Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu ».
Mais il y a aussi les moments où l’on ne comprend plus. Quand Jésus annonce sa Passion (Mc 8, 31-34) : « Le Fils de l’homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, après trois jours, ressusciter », Pierre se met à le morigéner. Alors Jésus l’admoneste : « Passe derrière moi, Satan ! car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ! » et il ajoute : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive ».
Tout ce que Pierre voulait pour Jésus n’était pas forcément ce que Dieu, dans sa sagesse, avait choisi. La leçon du Lavement des pieds (Jn 13, 6-17) est très instructive. Pierre refuse d’humilier le Seigneur à qui il veut rendre toute gloire et tout honneur. Pour lui, pas question de se laisser laver les pieds par le Maître : « Non, tu ne me laveras pas les pieds, jamais ! » Alors Jésus en explique le sens profond : « Ce que je fais, tu ne le sais pas à présent ; par la suite tu comprendras… Si je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi… Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous ».
Il faut apprendre à moins compter sur nos forces que sur Dieu. Alors que Pierre renie son Maître pour la troisième fois (Lc 22, 54-62), le coq chante, et le Seigneur, se retournant, fixe son regard sur Pierre. Et Pierre se ressouvient de la parole du Seigneur, qui lui avait dit : « Avant que le coq ait chanté aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois ». Et, sortant dehors, il pleure amèrement.
Il faut reconnaître nos maladresses. A l’agonie au Jardin des oliviers (Mc 14, 32-42), Jésus, qui ressent effroi et angoisse, trouve Pierre, Jacques et Jean en train de dormir. Et eux « ne savaient que lui répondre ».
Il faut avouer et regretter nos péchés qui offensent le cœur de Dieu. Quand Jésus lui demande : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » (Jn 21, 15-17), Pierre, qui ne cherche pas à se justifier, « est peiné de ce qu’il lui eût dit pour la troisième fois : M’aimes-tu ? et il lui dit : Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ».
Il ne faut plus chercher qu’une chose : suivre Jésus là où il nous appelle. « En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas ». (Il signifiait, en parlant ainsi, le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu). Ayant dit cela, il lui dit : « Suis-moi » (Jn 21, 18-19).
Reprenons et adaptons la si belle prière de Salomon lors de la consécration du Temple (1 Chr 29, 17-18 ; c’est l’antienne d’offertoire du Commun de la Dédicace) : « Seigneur Dieu, dans la simplicité de mon cœur, j’ai tout offert avec joie. En voyant l’assemblée de ton peuple, j’ai été grandement réjoui. Dieu d’Israël, garde-lui cette bonne volonté ! »
Abbé Marc-Antoine DOR